Introduction à la notion de magnitude,
Par Maurice AUDEJEAN, Astronomie en
Chinonais
Texte extrait de l'article paru dans la revue ATCO n° 52,
4e trimestre 1996.
Il est parfois des appréciations qui semblent évidentes. Qui n'a pas
entendu dire que Vénus est une "grosse étoile" ou qu'Arcturus (par exemple) est
une étoile qui doit être proche de nous? (ce qui, dans la seconde affirmation,
est d'ailleurs vrai mais le quidam qui aura affirmé cela, l'aura dit parce que
l'étoile lui paraît proche).
En somme, grandeur (ou grosseur), éclat,
brillance, distance... sont des mots que l'on doit utiliser avec certaines
précautions.
Un simple examen rapide du ciel permet de constater que les étoiles brillent
avec des éclats différents : autrement dit, elles brillent plus ou moins fort.
Aussi, les anciens avaient catalogué les étoiles en fonction de leur grandeur.
Cette grandeur caractérise l'impression lumineuse et non la grandeur
géométrique. Ainsi, Ptolémée avait, en 137 après JC, catalogué environ 1200
étoiles et les avait classées en fonction de leur grandeur (On pense que
Ptolémée n'a fait que reprendre le catalogue établi par Hipparque, trois siècles
plus tôt).
L'ordre de ces grandeurs était établi suivant les termes d'une progression
arithmétique, numérotés de 1 à 6, soit 5 intervalles. Cette progression semblait
traduire un rapport d'éclats de 100 environ entre les étoiles de 1ère grandeur et celles de 6e grandeur : une étoile de 1ère grandeur brille à peu
près 100 fois plus qu'une étoile de 6e grandeur.
Si on dit que k exprime le rapport d'éclat entre deux étoiles de grandeurs
voisines (par exemple 1ère et 6e grandeur), alors on peut écrire
k5 = 100
Donc k =
environ 2,512, C'est la racine cinquième de 100 et on pourra vérifier que :
2,512 x 2,512 x 2,512 x 2,512 x 2,512 = environ
100
Arrêtons, pour le moment, cette approche relative à la
brillance des étoiles et allons au siècle dernier, plus précisément, en
Allemagne.
A cette époque, vivait Fechner (1801 - 1887), homme à l'esprit extrêmement
curieux. Ses recherches sont allées dans divers domaines de la science et ses
préoccupations étaient soutenues tant sur le plan philosophique que religieux.
Fils de paseur, Fechner fit des étdes de médecine et commença des recherches de
physiologie. La physique et, en particulier, l'électricité le révélèrent, ce qui
lui valut une chaire de physique à l'âge de trente deux ans. Vers 1840, il
abandonna la physique et subit véritablement une crise morale et intellectuelle.
Il tenta alors de fonder une conception particulière de l'univers, liant
l'esprit et la matière. Conservant un esprit scientifique, il tenta de trouver
une relation entre l'esprit et la matière et le résultat fut la découverte d'une
loi générale établissant une relation entre excitants et sensations. Depuis,
cette loi que certains appelleront "pseudo-loi", porte son nom et s'établit
comme suit : "la sensation croît à peu près comme le logarithme de
l'excitation".
Mathématiquement, on peut écrire :
S = k log I, avec S, la sensation et I, l'intensité.
Nous voilà donc revenus à notre problème d'appréciation des
brillances.
En effet, l'ordre des grandeurs s'établit suivant une progression
arithmétique. Quant à celui des brillances, la progression est géométrique. Sans
chercher à être hautement mathématique dans cet exposé, nous dirons que la
relation qui lie ces deux progressions est logarithmique. Voila un mot peut-être
"barbare" pour certains.
Nous avons vu, plus haut, que :
k5 = 100. Alors log k = 0,4, donc
1/log k = 2,5, et enfin k = 2,512.
Gardons à l'esprit que la valeur
2,512 est arrondie à la troisième décimale, sinon nous devons poser k =
2,51188643151. Ceci entrainera, dans la suite de cet article, quelques
imprécisions.
Plutôt que de conserver le mot "grandeur", on a pris le terme
de "magnitude apparente".
Si on adopte e1 et
e2, les éclats de deux étoiles et m1 et m2, leurs
magnitudes apparentes, on aura alors :
e1/e2
= k m2 - m1,
1/log k (log e1 - log e2) = m2 - m1,
cette formule est appelée "formule de Pogson".
Ce qui donne :
m2 - m1
= 2,5 (log e1-log e2)
(et non 2,512 (log e1 - log e2) comme cela
a été écrit dans certaines publications).
Allons directement vers un exemple
pratique :
Prenons une étoile de magnitude 1 et une autre de magnitude 2,
donc m1 = 1 et m2 = 2. La première, selon ce que l'on a vu plus haut,
brille 2,512 fois plus que la seconde, on peut alors poser
e1 = 2,512 et e2 = 1
Posons la formule de Pogson :
m1 - m2 = 2,5 (log e2 - log
e1)
et appliquons les valeurs
relatives à nos deux étoiles,
1 - 2 = 2,5 (log 1 - log 2,512)
nous savons, et il
suffirait d'utiliser une calculatrice ou de lire sur une table de log, que
log 1 = 0 et log 2,512 = 0,4
donc -1 = 2,5 (0 - (-0,4), ce qui vérifie bien l'égalité
posée.
Communément, la formule de Pogson s'écrit un peu
différemment,
m1- m2 = - 2,5 (log e1 -
log e2)
Cette formule est mise
ici, sous forme différentielle. Ce qui vient d'être exposé explique simplement
la raison de la progression des magnitudes en regard des éclats. En revanche,
ceci n'explique pas à quel éclat correspond la magnitude zéro. Notons toutefois
que la magnitude 0 correspond à peu près à celle de Véga, au moment où elle
culmine vers le zénith par ciel pur. Comme il y a des astres plus brillants que
Véga (Soleil, Lune, Vénus, Sirius, etc) les magnitudes peuvent avoir des valeurs
négatives, ce qui ne perturbe en rien les rapports d'éclats. Autre exemple
pratique : prenons deux étoiles de magnitude 1 et 21, le rapport des deux éclats
est alors,
log (e1/e2) = 0,4 x 20 = 8
ce qui donne
e1/e2 =
108, ce qui signifie qu'une étoile de
magnitude 1 brille 100 000 000 fois plus qu'une étoile de magnitude 21!
Le tableau,
ci-dessous, donne les rapports d'éclats.
Donc, ce que nous venons d'aborder traite de la notion de magnitude apparente
relativement aux éclats.
Mais, comme nous l'avons vu au début de cet article, la notion de distance a
également son importance. En effet, si on considère (par exemple) deux phares
identiques de voiture, que l'on en dispose un à 10 mètres et l'autre à 10000 m,
nou serons évidemment éblouis par celui placé à 10 m et pourtant, ces deux
phares sont identiques! En astronomie, le problème est analogue. Prenons le cas
de deux étoiles proches de nous le Soleil et alpha du Centaure. Leurs éclats
apparents sont très différents car le Soleil a une magnitude apparente d'environ
-26,9 et alpha du Centaure a une magnitude apparente d'environ 0. Pourtant, ces
deux étoiles ont des éclats intrinsèques à peu près équivalents. Donc il faut
bien comparer ce qui est comparable et on comprend immédiatement que pour
procéder ainsi, il faut imaginer nos deux étoiles à la même distance. C'est ce
que les astronomes font : ils imaginent les étoiles ramenées à une distance
choisie. Cette distance correspond à 10 parsees, soit 32,6 AL. Le parsec
(contraction de parallaxe par seconde) correspond à l'éloignement qu'il nous
faudrait pour voir la distance Terre-Soleil sous un angle de 1". Avant de
poursuivre, retenons que l'éclat d'un objet varie en raison inverse du carré de
sa distance. En effet, une lampe placée à 10 m brillera 4 fois plus que la même
placée à 20 m et 9 fois plus qu'une autre, identique, placée à 30 m. Posons à
nouveau, la formule de Pogson : (ce qui suit est exposé presque pas à pas, afin
de permettre aux personnes peu farniliarisées avec les logarithmes de suivre
sans trop de difficulté).
m2 - m1 = -2,5 log (e2/e1)
appelons M, la magnitude de l'étoile placée à 10 parsecs et m,
celle de l'étoile placée à sa vraie distance D.
Comme nous avons vu que
l'éclat varie en raison inverse du carré de la distance, nous remplaçons e1 et e2 par les
distance élevées au carré, et comme il s'agit d'inverse, nous écrivons :
M - m |
= |
-2,5 log (D2/l00) |
|
|
or, log (D2/l00) = log D2 - log 100 et log D2 = 2 log D ainsi que log 100 = 2 log
10 |
ce qui nous autorise à poser M - m |
= |
-2,5 x (2 log D - 2 log 10) |
or log 10 = 1, donc M - m |
= |
-2,5 x (2 log D - 2) |
ce qui donne M - m |
= |
-5 log D + 5 |
que l'on peut écrire plus élégamment M - m |
= |
5 -5 log D |
Nous venons de voir comment peuvent être exprimées les magnitudes apparentes
et les magnitudes absolues.
Résumons ci-dessous :
Magnitudes apparentes : |
m2 - m1 = -2,5 log(e2/e1) |
Magnitudes absolues : |
M - m = 5 - 5 log D, avec D exprimée en parsecs.
| |
Exercices pratiques :
1) Deux étoiles ont pour magnitude
1,63 et 6,44. Quel est leur rapport d'éclat ?
Posons m2 - m1 |
= |
6,44 - 1,63 |
|
= |
4,81 |
e1/e2 |
= |
10(m2-m1)/2,5 |
|
= |
10(1,924) |
|
= |
83,94599865194 |
L'étoile
de magnitude 1,63 brille environ 84 fois plus que l'étoile de magnitude
6,44.
2) Une étoile a une magnitude m1 = 2,55, une
autre que l'on appellera m2 brille 14,5 fois
moins. Quelle est la magnitude de l'étoile m2?
Posons e1/e2 |
= |
14,5 |
et m1 - m2 |
= |
-2,5 log (e1/e2) |
donc m2 |
= |
m1 + 2,5 (log 14,5) |
log (14,5 ) |
= |
1,161368002235 |
donc m2 |
= |
2,55 + 2,5 x 1,16 |
m2 |
= |
2,55 + 2,9 |
m2 |
= |
5,45 |
L'étoile m2 a une magnitude de 5,45.
3) Quelle est la magnitude absolue du Soleil, sachant que sa magnitude
apparente est -26,9?
Posons M - m |
= |
5 - 5 log D |
donc M |
= |
m + 5 - 5 log D |
Il nous faut
connaître D, la distance qui nous sépare du Soleil, exprimée en parsec.
Nous
savons que le parsec est égal à 3,26 AL ou 3,26 x 9,461 x 1012 km.
Quant à la distance Terre Soleil, nous
savons qu'elle est d'environ 150 millions de km soit 150 x 106 km.
Donc la distance Terre Soleil, exprimée en
parsec est (150 x 106)/(3,26 x 9,46 x 1012),
soit 15 x 107/30,8396 x 1012, ou,
en arrondissant un peu, (15/30,84) x 10-5.
La
distance en parsec (Terre/Soleil) est D = 0,486 x 10-5
maintenant nous pouvons calculer M =
-26,9+5 -5 log (0,486 x 10-5),
or, log
(0,486 x 10-5) = -7,313,
donc, la magnitude
absolue du Soleil est M = -26,9 + 5 - 5(-7,313) = 4,66.
La
magnitude absolue du Soleil est d'environ 4,7.
- POGSON Norman Robert :
Astronome américain (1809 -
1891) qui proposa en 1856 une échelle quantitative des magnitudes.
La formule de Pogson qui établit la liaison entre une magnitude et un
éclat est :
m = -2,5 log e + k
avec k comme constante qui fixe le
zéro de l'échelle. La forme différentielle donnée plus haut peut être obtenue de
la façon suivante :
étoile 1 : m1 = -2,5 log e1 + k
étoile 2 : m2
= -2,5 log e2 + k
posons la différence m1 -
m2 soit - 2,5 (log e1 - log e2 )+ k - k,
ainsi on se débarrasse de k et on peut donc écrire :
m1 - m2
= - 2,5 log (e1/e2)
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La magnitude -2 brille 6,310 x plus que la magnitude 0
La magnitude -1 brille 2,512 x plus que la magnitude 0
Magnitude 0, éclat = 1
La magnitude 1 brille 2,512 x moins que la magnitude 0
La magnitude 2 brille 6,310 x moins que la magnitude 0
La magnitude 3 brille 15,84 x moins que la magnitude 0
La magnitude 4 brille 39,81 x moins que la magnitude 0
La magnitude 5 brille 100 x moins que la magnitude 0
La magnitude 6 brille 251,2 x moins que la magnitude 0
La magnitude 7 brille 631 x moins que la magnitude 0
La magnitude 8 brille 1 585 x moins que la magnitude 0
La magnitude 9 brille 3 981 x moins que la magnitude 0
La magnitude 10 brille 10 000 x moins que la magnitude 0
La magnitude 11 brille 25 119 x moins que la magnitude 0
La magnitude 12 brille 63 096 x moins que la magnitude 0
La magnitude 13 brille 158 489 x moins que la magnitude 0
La magnitude 14 brille 398 107 x moins que la magnitude 0
La magnitude 15 brille 1 000 000x moins que la magnitude 0
La magnitude 16 brille 2511 886x moins que la magnitude 0
La magnitude 17 brille 6 309 573 x moins que la magnitude 0
La magnitude 18 brille 15 848 932 x moins que la magnitude 0
La magnitude 19 brille 39 810 717 x moins que la magnitude 0
La magnitude 20 brille 100 000 000 x moins que la magnitude 0
et ainsi de suite.
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